LE JARDIN EN MOUVEMENT GILLES CLÉMENT
Vingt-cinq ans après la première édition les propos développés dans cet ouvrage n'ont fait l'objet d'aucune modification
sur le fond ou sur la pratique d'un « jardinage en mouvement ». Les urgences écologiques, aujourd'hui mieux
ancrées dans les consciences qu'elles ne l'étaient à la fin du XXe siècle, tendent à valoriser ces pratiques à toutes les
échelles et à les affiner. Certaines légendes d'illustrations reformulées, plusieurs images ajoutées, le texte concernant
le jardin du musée du Quai Branly-Jacques Chirac développé, telles sont les ajouts de cette édition.
Vingt-cinq années de croissance végétale modifient les paysages, elles ne modifient pas forcément l'état d'esprit
dans lequel ils se développent. Le message essentiel de ce livre « faire le plus possible avec et le moins possible
contre la nature » demeure à tous les stades de l'évolution d'un espace incluant le vivant.
Toutefois on peut faire deux remarques importantes que seul le recul du temps nous permet d'établir :
- La première est technique et concerne la biodiversité.
La fermeture des espaces par la strate arborée en développement progressif diminue la présence visuelle des
espèces herbacées pour majorité héliophiles. Un des aspects importants de la maintenance du jardin en mouvement
porte sur la nécessité de maintenir l'équilibre de l'ombre et de la lumière. Parfois il faut supprimer des arbres
devenus trop grands faisant disparaître la clairière, la lumière et la biodiversité qui lui est associée. Ces arbres trop
présents peuvent appartenir à une série que l'on a soi-même planté quelques années plus tôt. Les éliminer n'est
pas tâche facile, on peut se contenter de l'ombre et dire que la diversité désormais invisible sous les frondaisons
continue de vivre à l'état de graines et de dormir en attendant les conditions de la germination : le soleil et l'eau. On
peut aussi donner place à la composition paysagère et choisir les espèces que l'on peut soustraire à l'espace trop
dense pour retrouver l'équilibre cherché. Ce travail serait à faire aujourd'hui dans la partie dédiée au jardin en mouvement
du parc André Citroën et bientôt dans le jardin du musée du Quai Branly.
Cette remarque sur la diversité héliophile dans la strate herbacée concerne les climats non tropicaux. Sous les tropiques
la diversité botanique s'exprime très bien dans la strate arborescente. Un jardin en mouvement en zone tropicale
serait celui des singes et des oiseaux dans l'enchevêtrement des canopées, il n'y aurait rien d'autre à faire
que d'édifier des passerelles en suspens pour s'y promener. Nous parlons ici des forêts primaires rélictuelles,
celles que le Stupidocène oublieux a laissées çà et là, éparses et perdues sur la planète anthropisée.
- La seconde est culturelle et concerne la composition dans l'espace.
À l'exception des cultures animistes et totémistes pour qui le jardin est un territoire naturel pourvu des richesses
que l'on va glaner ou chasser, les sociétés humaines ont organisé le jardin en donnant aux formes, aux lignes, aux
perspectives et à la scénographie générale un droit absolu de composition. Cette façon de dessiner le jardin place
la question du vivant en second rôle.
Le jardin en mouvement se positionne à l'opposé de cette perception du monde, il ne doit aucune de ses formes à
une vision cultuelle idéalisée de l'espace mais à une préséance donnée au vivant. Si les formes sont changeantes
c'est précisément parce que « toujours la vie invente ».
Ces pratiques se multiplient et placent les concepteurs au-devant d'une question à laquelle aucune école ne les a
préparé : comment accepter l'abandon ou le partage de la signature de l'espace qu'ils pensent avoir dessiné avec
maîtrise ? Comment déplacer le rôle de la forme pour la mettre en position de résolution esthétique temporaire
sous la dynamique du vivant et non en dispositif inchangeable telle une architecture sacrée ?
Il est à prévoir que l'enseignement dispensé pour atteindre ces objectifs s'orienterait alors une connaissance
approfondie du vivant. Ceci afin d'initier un processus de conception des espaces qui nous lient à notre environnement,
non en se soumettant à une dictature formaliste ou fonctionnaliste, mais en développant un dialogue avec
le vivant par un accès à la compréhension et à l'acceptation du génie naturel.
sur le fond ou sur la pratique d'un « jardinage en mouvement ». Les urgences écologiques, aujourd'hui mieux
ancrées dans les consciences qu'elles ne l'étaient à la fin du XXe siècle, tendent à valoriser ces pratiques à toutes les
échelles et à les affiner. Certaines légendes d'illustrations reformulées, plusieurs images ajoutées, le texte concernant
le jardin du musée du Quai Branly-Jacques Chirac développé, telles sont les ajouts de cette édition.
Vingt-cinq années de croissance végétale modifient les paysages, elles ne modifient pas forcément l'état d'esprit
dans lequel ils se développent. Le message essentiel de ce livre « faire le plus possible avec et le moins possible
contre la nature » demeure à tous les stades de l'évolution d'un espace incluant le vivant.
Toutefois on peut faire deux remarques importantes que seul le recul du temps nous permet d'établir :
- La première est technique et concerne la biodiversité.
La fermeture des espaces par la strate arborée en développement progressif diminue la présence visuelle des
espèces herbacées pour majorité héliophiles. Un des aspects importants de la maintenance du jardin en mouvement
porte sur la nécessité de maintenir l'équilibre de l'ombre et de la lumière. Parfois il faut supprimer des arbres
devenus trop grands faisant disparaître la clairière, la lumière et la biodiversité qui lui est associée. Ces arbres trop
présents peuvent appartenir à une série que l'on a soi-même planté quelques années plus tôt. Les éliminer n'est
pas tâche facile, on peut se contenter de l'ombre et dire que la diversité désormais invisible sous les frondaisons
continue de vivre à l'état de graines et de dormir en attendant les conditions de la germination : le soleil et l'eau. On
peut aussi donner place à la composition paysagère et choisir les espèces que l'on peut soustraire à l'espace trop
dense pour retrouver l'équilibre cherché. Ce travail serait à faire aujourd'hui dans la partie dédiée au jardin en mouvement
du parc André Citroën et bientôt dans le jardin du musée du Quai Branly.
Cette remarque sur la diversité héliophile dans la strate herbacée concerne les climats non tropicaux. Sous les tropiques
la diversité botanique s'exprime très bien dans la strate arborescente. Un jardin en mouvement en zone tropicale
serait celui des singes et des oiseaux dans l'enchevêtrement des canopées, il n'y aurait rien d'autre à faire
que d'édifier des passerelles en suspens pour s'y promener. Nous parlons ici des forêts primaires rélictuelles,
celles que le Stupidocène oublieux a laissées çà et là, éparses et perdues sur la planète anthropisée.
- La seconde est culturelle et concerne la composition dans l'espace.
À l'exception des cultures animistes et totémistes pour qui le jardin est un territoire naturel pourvu des richesses
que l'on va glaner ou chasser, les sociétés humaines ont organisé le jardin en donnant aux formes, aux lignes, aux
perspectives et à la scénographie générale un droit absolu de composition. Cette façon de dessiner le jardin place
la question du vivant en second rôle.
Le jardin en mouvement se positionne à l'opposé de cette perception du monde, il ne doit aucune de ses formes à
une vision cultuelle idéalisée de l'espace mais à une préséance donnée au vivant. Si les formes sont changeantes
c'est précisément parce que « toujours la vie invente ».
Ces pratiques se multiplient et placent les concepteurs au-devant d'une question à laquelle aucune école ne les a
préparé : comment accepter l'abandon ou le partage de la signature de l'espace qu'ils pensent avoir dessiné avec
maîtrise ? Comment déplacer le rôle de la forme pour la mettre en position de résolution esthétique temporaire
sous la dynamique du vivant et non en dispositif inchangeable telle une architecture sacrée ?
Il est à prévoir que l'enseignement dispensé pour atteindre ces objectifs s'orienterait alors une connaissance
approfondie du vivant. Ceci afin d'initier un processus de conception des espaces qui nous lient à notre environnement,
non en se soumettant à une dictature formaliste ou fonctionnaliste, mais en développant un dialogue avec
le vivant par un accès à la compréhension et à l'acceptation du génie naturel.
- ISBN : 9782845342682
- Titre : LE JARDIN EN MOUVEMENT
- Auteur : GILLES CLÉMENT
- Editeur : SENS TONKA CIE
- Nb Pages : 312
- Largeur : 150
- Hauteur : 200