L´ÉPOPÉE SOLITAIRE DU DERNIER JUIF D´ORAN (1927-2010). DAHO JIBRIL

C’était en présence des autorités locales, du Consul de France, de Monsieur Georges Benazera, président de l’AIOF, que le défunt Prosper Massoud Chetrit fut enterré au cimetière juif d’Oran. Quand Monsieur Tapiero, administrateur de l’Association des Juifs de l’Oranie en France, venu spécialement de Paris pour les funérailles, eut fini les prières d’accompagnement de l’âme du défunt, l’assistance chrétienne, juive et musulmane, répondit à l’unisson : « Amen ». Dans la sacralisation du cimetière juif d’Oran, en ce 24 mars 2010, les présents nombreux vécurent un moment solennel de tolérance et d’acceptation de l’autre. C’était le dernier juif d’Oran qu’on s’apprêtait à mettre en terre. Dans sa ville d’adoption quasiment tous ceux qui le connaissaient l’appelaient Hadj Messaoud, ou Messaoud tout court. Après trois jours d’hospitalisation au service de cardiologie du CHU d’Oran, il tira sa révérence au soir du 18 janvier 2010, non sans émettre à Monseigneur Alphonse Georger, l’Évêque d’Oran, le vœu d’être enterré selon le rite halakhique au cimetière juif d’Oran dont il était le conservateur depuis 40 ans. Sa présence en Algérie contourna tous les obstacles. Il vécut 78 ans à Oran. Sa mère Rebecca, décédée en 1990 à l’âge de 90 ans, fut également enterrée au cimetière juif d’Oran. Depuis lors, Prosper Massoud Chetrit vécut réellement sans contact avec le monde juif, sinon quelques coups de téléphone donnés ça et là à certains membres de sa parentèle éparpillés un peu partout dans le monde. Voici son histoire.