AMOROSO SOSTENUDO LE POEZELLER LILIANE

Amoroso Sostenuto entrelace deux vies distantes d´un siècle, reliées par un stradivarius. L´une, réelle : Guilhermina Suggia, dite Mina, musicienne portugaise, fut considérée en son temps comme la deuxième meilleure violoncelliste du monde après Pablo Casals. À l´époque où un ouvrage collectif pose la question « La musique a-t-elle un genre ? », elle fait partie des artistes quasi inconnues aujourd´hui. Elle a été son élève à 13 ans, ils se retrouvent à Paris en 1905, elle a 20 ans et lui 29. La villa Molitor abrite leur amour jusqu´en 1913, année de leur rupture. De toutes les biographies de Pablo Casals, une seule mentionne en trois lignes cette relation, sauf la dernière qui a, tout récemment, soulevé un coin du voile. Le biographe a, en effet, trouvé dans un fonds hollandais quelques lettres sauvées de la destruction que P. Casals et G. Suggia firent de leur correspondance de l´époque. Adressées à des amis très proches, elles m´ont déterminée à faire revivre ces artistes d´exception à travers leur enfance, leur formation, leur vie commune jusqu´à leur séparation. Ils s´aimaient, se respectaient, avaient le même idéal mais pas la même conception de la vie. En cela leur drame parle à chacun de nous. Comment, en effet échapper au rôle dévolu à la femme quand on désire s´accomplir en portant la musique au plus haut ? (15 chapitres pour Mina) L´autre vie, inventée mais inscrite dans la réalité actuelle de la musique : Isabella, dite Isa, violoncelliste qui parcourt le monde avec le stradivarius de G. Suggia. Elle l´a légué à sa mort en 1950 à une fondation pour qu´il serve à de jeunes talents, ce qui est toujours le cas aujourd´hui. Le personnage que j´ai imaginé bénéficie de ce prêt. Cet instrument joue un rôle essentiel tout au long du roman : objet hors du commun chargé d´une mémoire multiséculaire, il est un vrai compagnon pour beaucoup d´artistes. Casals ne dit-il pas que son violoncelle a été « son meilleur ami » ? Par sa position privilégiée de lien entre les deux musiciennes, le stradivarius de G. Suggia est un narrateur tout désigné pour s´adresser directement à elles et vibrer de toutes leurs émotions. La grand-mère d´Isa, pianiste amateur, a joué un rôle déterminant dans sa formation. Elle la pousse à réaliser son rêve de devenir cheffe d´orchestre. Mais les femmes sont une poignée dans ce domaine. Elle voit leurs difficultés et va chercher l´élan qui lui manque lors d´un concert donné par Claire Gibaut (premier prix de direction en 1969, première femme à diriger l´orchestre de la Scala et les musiciens de la Philharmonie de Berlin). En attendant de se lancer, elle mène un double combat : aider des femmes artistes qui se sont exilées pour exercer leur art en toute liberté, aider sa grand-mère à lutter contre la maladie. Au moment où elle reçoit le stradivarius et doit partir en tournée en Chine, sa grand-mère est transférée en soins palliatifs. Elle part aussitôt la rejoindre, joue pour elle et découvre à quel point la musique vivante peut transfigurer une vie qui s´achève. Elle décide alors de consacrer une partie de son temps à jouer pour des malades en fin de vie. Au dernier chapitre, la douleur de la perte éprouvée par Mina et Isa alterne sans cesse jusqu´à ce que la musique les réunisse dans une lumineuse humanité. (8 chapitres pour Isa).