VIEILLE PETITE FILLE : PRÉCÉDÉ DE LETTRES À JEAN-LOUP RIVIÈRE RIEDLER JULIETTE

Vieille petite fille est un ouvrage composé de deux textes issus d’une même voix, traversés par la question du deuil et de l’émancipation féminine. Dans le premier texte intitulé Lettres à Jean-Loup Rivière, la narratrice nous donne accès à une correspondance à sens unique avec son maître de thèse décédé brutalement, dans ce moment suspendu entre l’annonce de sa mort et son enterrement. Un jeu de miroirs fait tournoyer les positions maître / élève, homme en position de pouvoir / femme en quête de devenir, au milieu duquel resurgissent le décès de la mère et le vertige de soi. Un fil rouge aussi fébrile que vivifiant permet à la narratrice de traverser cette épreuve : la convocation de Jean-Loup Rivière à la manière d’un personnage. Scruté sous tous les angles, imaginé, interpellé, fantasmé, le dramaturge et théoricien français du théâtre fait l’objet d’un exercice d’admiration à multiples débordements. Dans une urgence de dire et de mettre en scène, les lettres s’enchaînent et forcent à l’écoute par leur candeur volubile et les multiples jeux du vide et du plein qu’offre une écriture fine et aiguisée. Interprétées par Juliette Séjourné à trois reprises dont à l’occasion du festival Remue#3 (2022), les Lettres à Jean-Loup Rivière conquièrent public comme critique par leur universalité et leur intensité. Second texte “éponyme” de l’ouvrage, Vieille Petite Fille met en scène de manière similaire trois personnages connus de tous : “Fille”, “Loup” et “Grand-Mère”. Cette réécriture du Petit Chaperon Rouge, initiée à l’occasion du Festival Lyncéus (2022), mise en scène par Floriane Comméléran et actuellement en tournée, nous donne accès à une possible voie de sortie de conte traditionnel. Dans ce théâtre de papier, chaque personnage vocifère son propre désir d’ailleurs, face à l’expérience d’une mort prématurée dont on ne se remet jamais tout à fait, où le choix de vivre ou de se laisser partir s’impose. Les trois personnages ainsi s’accordent et se désaccordent dans une douce cacophonie orchestrée, jusqu’à pleurer ensemble l’absence de la mère puis disparaître pour laisser place au « débobinage » définitif de l’histoire. Textes d’affirmation et d’émancipation, traversant les thématiques de la transmission et de l’effacement, Vieille Petite Fille et Lettres à Jean Loup Rivière font émerger la voix singulière de leur autrice, Juliette Riedler, où jeux théâtraux et poésie s’accordent naturellement pour former un territoire d’écriture fantasque et audacieux, délicieusement tendre et impétueux.