DU BERCEAU AU TOMBEAU : UNE HISTOIRE CRITIQUE DE L´ÉTAT-PROVIDENCE TORRES FÉLIX

Une étude critique et approfondie du système de protection sociale en France – l’État-providence. L’État-providence encadre le quotidien de nos existences modernes depuis déjà presque un siècle, à savoir les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Dans les domaines de la santé, de la vieillesse, de la famille, de l’aide sociale, du non-emploi, les politiques sociales qu’il recouvre apparaissent comme un horizon indépassable. Loin de reculer ou de borner son action, le Léviathan social ne cesse d’étendre son intervention, une universalisation qui prend des allures d’universalité obligatoire. Loin d’être une réalité seulement française, l’« État social », appelé chez nous l’État-providence, en Grande-Bretagne et dans les pays anglo-saxons le "Welfare State" a été inventé par l’Europe à la fin du XIXe siècle. De son essor à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale à la crise des années 1970-1980 et la globalisation actuelle, l’État social s’est élargi et étendu partout sur le continent européen, vers les pays d’Europe sortis des dictatures et du communisme, désormais vers les pays émergents du Sud global. À la citoyenneté politique consubstantielle à la démocratie moderne, les politiques de protection sociale ajoutent une dimension de « citoyenneté sociale » incontournable mais aussi plurielle. Les assurances sociales se conjuguent désormais avec des politiques d’assistance vers les plus démunis sous l’horizon d’un « bien-être social » à la fois universel et personnalisé. La question du devenir de l’État-providence prend un caractère particulier en France et dans la société française, adossées à la conviction d’une Sécurité sociale originale qui aurait surgi telle quelle du programme du Conseil national de la Résistance de 1944-1945. Bien plus composite qu’il n’y parait, le modèle français de protection sociale s’est fortement transformé depuis cette date dans le sens d’une généralisation et d’une étatisation grandissantes. Sa complexité actuelle crée un voile d’ignorance et de désaffection : nul ne sait plus très bien qui paie et qui reçoit, qui a droit à quoi, qui aura droit et à quoi, et ce qui pourrait améliorer le ratio des contributions versées et des prestations reçues. Pesant sur les revenus du travail, quasi-illisible à l’exception des experts qui en ont la charge, ce modèle tend à effacer l’idée clé de contributivité qui lie les bénéficiaires cotisants à leurs prestations. Au fil d’une relecture historique et conceptuelle de la notion de protection sociale, Félix Torres questionne les évidences plus ou moins établies que celle-ci recouvre, la généalogie dont elle procède, ses modes de fonctionnement et de financement, leur évolution conjoncturelle et structurelle de l’après-Seconde Guerre mondiale à nos jours. Réinterroger aujourd’hui la notion d’État social ou d’État-providence, c’est esquisser des pistes de réforme et d’évolution vers moins d’uniformité et plus de diversité, vers aussi la liberté de choix, la responsabilité individuelle et l’incitation. Il s’agit en définitive d’une exigence politique, économique et sociale, parce que citoyenne. Car c’est notre condition d’individus modernes : nous sommes à la fois des citoyens politiques et des citoyens sociaux.